À l’occasion du 100e anniversaire de la naissance de Gust Graas, une série d’expositions a été organisée tout au long de 2024, dont la dernière, Poesia, se tient à Neimënster jusqu’au 26 janvier et est consacrée aux œuvres réalisées à Majorque.
Directeur de RTL et président de Luxair côté pile, mais peintre passionné et infatigable côté face. Gust Graas était une des grandes figures luxembourgeoises dont l’anniversaire du centenaire de sa naissance a été célébré tout au long de 2024 grâce à l’énergie et la ténacité de sa fille Kit Graas.
Un entrepreneur infatigable
Gust Graas est né le 19 décembre 1924 à Esch-sur-Alzette. Dès son plus jeune âge, il montre une appétence pour les arts plastiques, pour le dessin et la peinture en particulier. Après des études en droit, il exerce quelques années en tant qu’avocat indépendant. Mais c’est au sein de la Compagnie luxembourgeoise de télévision (CLT), dont il fait partie des créateurs, qu’il forgera la grande partie de sa carrière.
Entrant comme juriste, il devient chef du personnel de la Compagnie luxembourgeoise de radiodiffusion, puis secrétaire général. Dès 1957, il travaille à développer un programme radio en allemand, ouvrant ainsi la voie à Radio Luxembourg. En 1969, on lui doit la fameuse émission « Hei Elei Kuck Elei » qui sera le précurseur de Télé Lëtzebuerg. En 1972, il devient directeur adjoint de la CLT et directeur général en 1975.
«Il rêvait que Luxembourg ait son satellite, explique sa fille Kit Graas. Il a beaucoup travaillé pour cela et avait acheté un grand nombre de programmes à cette fin. C’est à lui aussi par exemple qu’on doit RTL Plus dans les années 1980. Tout ce travail a amené à ce que SES puisse se concrétiser. Il faut bien se rendre compte qu’à cette époque, la sidérurgie ne faisait plus la richesse du pays et que RTL a contribué à recréer de la valeur au Luxembourg, employait un grand nombre de personnes… C’était une grande responsabilité.»
Grâce à ces expériences, il a aussi été appelé pour fonder Luxair. «Mon père avait l’expérience du dialogue avec l’État pour RTL. C’est pour cela qu’il a été appelé pour Luxair, pour créer cette entreprise sur cette base du dialogue entre le privé et l’État», ajoute Kit Graas. Il en assurera la présidence pendant plus de 20 ans. Interrogée sur l’engagement politique de son père, Kit Graas répond : «Il avait certes fondé la section jeunesse du CSV, mais il se pensait beaucoup plus utile en tant qu’entrepreneur plutôt qu’en homme politique.»
Un peintre passionné
Gust Graas est décédé en 2020 à l’âge de 95 ans. Mais tout au long de sa vie, il poursuit sans relâche une activité de peintre, laissant derrière lui un très grand nombre d’œuvres. «Mon père avait véritablement deux vies, confirme sa fille. Sa vie professionnelle dans laquelle il était très investi, et sa vie de peintre dans laquelle il était tout aussi passionné. Il se donnait d’ailleurs l’objectif de réaliser une peinture par jour. Mais ces deux vies étaient très compartimentées. Ce sont vraiment deux carrières différentes, qui ont progressé en parallèle, mais il les a vécues pleinement l’une comme l’autre.»
«Mon père avait véritablement deux vies. Sa vie professionnelle dans laquelle il était très investi, et sa vie de peintre dans laquelle il était tout aussi passionné.
Kit Graas, fille de Gust Graas
Dès son plus jeune âge le garçonnet aime peintre et dessiner. Il reste de ces jeunes années un grand dessin du château de Clervaux et un peu plus tard, un autoportrait en uniforme militaire, alors qu’il est enrôlé de force dans l’armée nazie en 1942. Après cet épisode sombre «dont il ne gardera aucune haine envers le peuple allemand, assure Kit Graas, mais une grande foi en l’Europe», il part faire ses études et commence sa carrière professionnelle. Mais le dessin et la peinture l’accompagnent au quotidien, de manière privée.
C’est en 1963 qu’il expose une œuvre pour la première fois en public, en réponse à un appel à projets pour le CAL sur le thème «Luxembourg Millénaire». «Cette peinture a eu tout de suite un grand succès, témoigne Kit Graas. Il n’avait jamais songé à exposer auparavant, il peignait pour lui. Suite à cela, Jos Wampach, qui était alors directeur du théâtre d’Esch et directeur de la galerie de la ville, lui a proposé d’exposer ses œuvres. Ce qu’il a accepté. Par après, il osera beaucoup plus montrer son travail publiquement et même s’il se méfiait des galeristes, il concéda quand même à exposer dans des galeries luxembourgeoises comme la Galerie La Cité ou à la Galerie Angle Aigu à Bruxelles en 1973.»
En 1970, il obtient le Prix Grand-Duc Adolphe et son succès se confirme avec des expositions au Musée national d’histoire et d’art et à la Villa Vauban par exemple. Sa peinture explore différents courants artistiques, allant de l’art figuratif à l’abstraction lyrique. Il est aussi influencé par l’École de Paris, Maurice Estève. Ça et là, on voit aussi des inspirations des œuvres de Miro, Klee. Bien évidemment, ses œuvres sont aussi le reflet de ses questionnements intérieurs, des moments de sa vie. «La famille n’était jamais exclue de ses créations. Si ma mère n’aimait pas un morceau de toile, un élément de sa peinture, il le retravaillait pour elle. Nous avions le droit de le rejoindre dans son atelier aussi, et il n’hésitait pas à représenter sa famille dans sa production», se remémore Kit Graas.
En 1988, Gust Grass quitte RTL et va s’installer à Majorque où il avait acheté une maison au début des années 1980. S’ouvrent alors près de 30 ans de création influencée par le soleil et les paysages de cette île de la méditerranée. Une sélection d’œuvres peintes à cette époque sont présentées dans l’exposition Poesia dans la chapelle à Neimunster, accrochage qui a déjà été présenté à Majorque et qui a rassemblé pas moins de 11.000 visiteurs. «On sent bien dans sa peinture qu’il est un peu perdu au début de son séjour sur l’ile. C’était un homme important au Luxembourg et à Majorque personne ne le connait, éclaire sa fille. Puis au fur et à mesure, on sent qu’il trouve ses nouvelles marques, sa peinture s’apaise et il profite pleinement de sa nouvelle vie sans stress et de ce que l’Espagne lui offre : la mer, le soleil, les marchés…»
Cette exposition est la dernière d’une série organisée au Luxembourg tout au long de l’année pour célébrer son centenaire. «Mon père a tellement peint ! Sa production est très grande. Les expositions que j’ai réalisées sont uniquement faites à partir des toiles que je possède, mais il y en a encore beaucoup d’autres. Aujourd’hui, j’essaie de monter ses œuvres le plus possible. C’est pour cela que j’ai organisé toutes ces expositions. Et je suis en train d’écrire sa biographie qui, j’espère, pourra sortir en 2025 », conclut Kit Graas.
